le 6 décembre 1990
Mon cher M.,
C’est officiel, ça y est. Tu peux être fier. Et dire que j’avais cru à une tocade de ta part… Je dois reconnaitre la combattivité dont tu as fait preuve, dans cette entreprise que d’aucuns considéraient comme une gageüre. Combien sont venus t’interpeller, persifler, t’attirer dans leurs chausse-trappes d’un air douceâtre… Deux-cents ? Cinq-cents ? Tu les as laissé se noyer dans leur imbécillité rétrograde.
Méfie-toi, mon cher M., rien n’est joué pour autant. Ceux qui t’intimaient hier de ne pas te mêler de leurs oignons élaborent en ce moment même les pires des scenarii. Tu voulais leur éviter la pagaye, mais ils sont trop attachés à leur ghildes, tous ces professeurs, ces écrivains, ces fameux gens de lettres ! Tu penses qu’ils ont renoncé à te porter la ciguë, en réalité ils ne font qu’y surseoir…
Pourquoi avoir conservé l’ambiguïté, aussi ? Tu es responsable de ce branlebas, il fallait l’assumer complètement ! Tu décides d’instaurer l’évènement : il s’agit bel et bien de tes ognons ! Tu avais le pouvoir de maitriser définitivement la pagaille et les persifflages, de tenir la cigüe, d’écrire les scénarios à venir en plaçant toi-même les chaussetrappes, d’être enfin le seul relai du peuple, ce peuple espérant que tu règlerais une fois pour toute son problème… Mais tu as préféré limiter les couts. Attention, en n’imposant pas la muserole, il faut t’attendre à quelques ruades..
Sache, mon cher M., que seules tes façons douçatres me plaisent, qu’il n’y a que ton imbécilité pour me toucher, ton ambigüité pour m’interpeler. Malgré les miss que tu protèges (ou à cause de ça, certainement), tu auras toujours une place privilégiée dans mon histoire. Argüer que tu n’as fait que ton devoir n’enlève rien à la valeur de ton geste, dont chacun (ayons l’honnêteté de le reconnaitre) ressort un peu absout. Grâce à toi, je peux aujourd’hui sans contraintes passer mes après-midis à cueillir des giroles, un verre de ponch à la main, ou plonger au milieu des nénufars…
Mon cher M., je suis l’objet de tant de passions, sujette à tant d’exigence… C’est grâce à des actions comme celle que tu as eu le courage de mener que je parviens à subsister. Le jour n’est peut-être pas si loin où l’on tolèrera que j’aie l’air fatiguée, au moins une demie heure…
ta dévouée Orthographe Française
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